Profil Puissance Record (PPR) : définition et applications
Introduction
Pendant des années, les entraineurs ont cherché des marqueurs externes permettant de réguler l’intensité d’un exercice en direct et d’analyser les séances par la suite. En cyclisme, les marqueurs externes de la performance étaient restreints pendant longtemps à la vitesse de déplacement. Cependant, elle s’avère trop dépendante des conditions environnementales. A cela, par la suite ont été ajouté la fréquence de pédalage qui ne reflète pas l’intensité mais les modalités de la pratique puis la fréquence cardiaque.
Cette donnée a été utilisé durant de nombreuses années comme référence dans l’entrainement en cyclisme et l’est encore utilisée de nos jours. Cependant, il s’avère que la fréquence cardiaque ne réagit pas en instantanée aux efforts et n’est pas un marqueur objectif du travail fourni par le cycliste. De plus, lors de séances d’interval-training (IT), notamment sur des intensités supérieures au 2ème seuil ventilatoire (SV2), le phénomène de dérive cardiaque est inévitable et la calibration des séances s’avère impossible.
Le cyclisme a connu un tournant dans son approche que ce soit pour les compétiteurs, les entraineurs et suiveurs en 1986 : date de l’apparition du premier capteur de puissance fabriqué en Allemagne le « Schoberer Rad Meßtechnik » (SRM). Appareil encore à la pointe aujourd’hui, on a pu voir de nombreux autres systèmes de mesures se décliner. Actuellement, les mesures de la puissance mécanique (Pméca) du cycliste peuvent se faire par des capteurs mesurant :
- La déformation du plateau du pédalier et des manivelles par l’intermédiaires de jauges de contraintes
- La déformation du moyeu de la roue arrière
- La déformation de l’axe de la pédale par des jauges de contraintes
Les données sont relevées par des compteurs enregistrant toutes les données exposées précédemment. La grande évolution fut de créer des capteurs de puissances mobiles que les coureurs peuvent utiliser en routine lors de leurs entrainements et compétitions. Les tests en laboratoire sur ergocycles ne sont plus les seuls moyens de mesurer la Pméca produise par le coureur.
On peut modéliser l’énergie relevée par ces capteurs à partir des travaux de Minetti (2011) de la sorte (figure 1) : La dépense énergétique totale (E) est le résultat de la production de chaleur par la thermolyse et du travail mécanique total (Wtot). Ce travail se décompose en travail produit pour vaincre les différentes résistances à l’avancement (Wvélo) et en travail utile au déplacement de l’appareil locomoteur (Wpropulsion). Les travaux parus à ce jour sur cette deuxième composante du Wtot ne permettent pas de mesurer en routine ces transferts d’énergies (Minetti, 2011). Cependant, Brooks & al., 2013 ont comparés les différents modèles permettant d’estimer Wpropulsion et en ont conclus qu’ils n’aboutissent pas à des valeurs exactes. Dans un but d’optimisation de la performance, c’est un paramètre pouvant orienter l’entrainement selon les valeurs entre différentes fréquences de pédalages. Ces notions ne seront pas plus détaillées ici.
Les capteurs de puissance mesurent donc sur le vélo le travail produit pour faire avancer le couple homme-machine dans l’espace (Wext-capteur).
Sur les multiples analyses pouvant être faites avec les données relevées de ces capteurs, nous allons nous intéresser au « Profil de Puissance Record » (PPR) défini comme la relation Pméca records – temps et à son utilisation en pratique.
Synthèse des recherches
Relation intensité – temps
La relation intensité-temps est très importante dans les activités physiques qui plus est d’endurance. De nombreux modèles mathématiques, dits empiriques et théoriques/bioénergétiques ont été développés par les chercheurs sur cette relation afin de mieux comprendre les mécanismes de l’endurance humaine et de prédire les performances en endurance.
Concernant les modèles empiriques, les travaux de Kennelly, Meade (1956) soulèvent leur principal problème, à savoir qu’ils « sont essentiellement descriptifs mais qui ne permettent pas de mieux appréhender les mécanismes sous-jacents expliquant l’endurance humaine. »
Les modèles théoriques apportent une interprétation des résultats observés. Hill (1927) fut le premier à apporter des explications physiologiques à la relation vitesse-temps. Henry (1954) poursuivi en émettant l’hypothèse selon laquelle, la forme exponentielle de la courbe représentative de cette relation serait dû à l’épuisement des réserves énergétiques. Mis à part les phosphagènes, on sait aujourd’hui que cela est faux car les substrats énergétiques ne sont pas les mêmes selon l’intensité et la durée d’un exercice.
A partir de la relation vitesse – temps, Peronnet et Thibault (1984, 1987) ont introduit la notion d’indice d’endurance (IE) correspondant à la pente de la relation entre la fraction de volume d’oxygène maximal (VO2max) et le temps d’exercice (figure 2). L’avantage de leur modèle permet de donner un indice d’endurance en fonction de performances réalisées sur le terrain et non plus d’un pourcentage de VO2max comme dans les études réalisées antérieurement. La décroissance de la pente d’endurance est quantifiée par la relation entre le logarithme du temps et l’intensité exprimée en pourcentage de la VO2max. Moins la pente est importante, meilleure est l’endurance du sportif.
Cazorla a quant à lui étudié la relation entre l’endurance et la Vitesse Maximale Aérobie (VMA). Il en conclut les mêmes résultats qu’avec la VO2max. A savoir une relation curviligne pour les exercices inférieurs à 30 minutes puis linéaire pour les efforts plus longs (figure 3).
Par la suite, Mercier, Léger et Desjardins ont constitués un nomogramme (figure 4) permettant une analyse directe de l’endurance. A partir de plusieurs performances en course à pied, on peut donc prédire l’endurance sur une échelle de 1 à 100 (plus le score est élevé, meilleure est l’endurance).
A l’aide de ce nomogramme, Mercier défend l’idée selon laquelle les intensités et durées d’entrainements ne peuvent s’ajuster qu’avec une analyse de la courbe entière de performance et non pas avec uniquement la VMA.
Concept de puissance critique
Avant de parler des applications de ces recherches dans le cyclisme, nous allons faire le point sur le concept de puissance critique (Pcrit). Il est né des travaux de Scherrer en 1954 et 1960 montrant qu’il existe une relation linéaire entre le temps d’épuisement et la quantité de travail réalisée au cours d’un exercice local. La pente de cette relation est la puissance dite « critique » soutenable un temps prolongé. En 1958, Scherrer applique la Pcrit pour évaluer les nageurs et les athlètes en course à pied. Cela permit de voir que la relation temps limite (tlim) – travail limite n’est pas linéaire comme l’avait constaté Scherrer lors de ces premières études. On a donc une surestimation de la Pcrit et des tlim pour des puissances approchant cette valeur. Monod publia les résultats d’études réalisées dans son laboratoire montrant que la Pcrit est proche de puissances correspondant à un état stable de différents paramètres physiologiques, à condition de calculer cette puissance sur des tlim de 4 à 30 minutes. Par ailleurs, Monod et Scherrer ont menés des travaux en 1965 montrant qu’à partir de la relation hyperbolique de la Pméca de l’exercice et le tlim de maintien, il existe :
- Une limite pour laquelle la Pméca peut être maintenue sans épuisement. Elle dépend essentiellement de la voie énergétique aérobie. Son tlim peut s’exprimer selon les auteurs de la sorte (figure 5) :
- tlim = a / (P – b)
Si le sujet réalise un exercice ou la puissance P est égale au paramètre b, le dénominateur serait zéro et donc le temps limite théoriquement infini. Le paramètre « b » est donc l’équivalent d’une puissance appelée Pcrit qu’il est possible de maintenir un temps prolongé.
- Une composante dans la production d’énergie par la voie anaérobie appelée capacité de travail anaérobie (W’) représentant une quantité d’énergie disponible pour développer une Pméca supérieure à la Pcrit menant à l’épuisement lorsqu’elle est totalement consommée (figure 6). Le modèle de Monod et Scherrer permet d’exprimer W’ sous la forme :
- W’ = (Pméca – Pcrit) / t
Plus récemment, Morton (2006) résume le concept de la Pcrit en quatre principes :
- L’énergie produite pendant l’exercice provient uniquement des voies anaérobie et aérobie, leur part d’intervention étant déterminé selon le niveau de l’intensité d’exercice ;
- La capacité de production d’énergie par la voie aérobie est infinie mais la puissance du système est limitée par la Pcrit ;
- À l’inverse, le système anaérobie n’est pas limité en puissance mais par la W’ ;
- L’épuisement atteint lors de l’impossibilité de continuer une intensité d’exercice survient lorsque la capacité de travail anaérobie a été épuisée.
Au niveau physiologique, la production d’une Pméca supérieure à la Pcrit entraine une dégradation de l’homéostasie métabolique et en particulier une augmentation de lactate sanguin (Jones A. M. et al., 2009). Au contraire d’une Pméca inférieure ou égale à Pcrit où l’on remarque un état stable de la VO2 et de [LACsanguin].
Concernant la W’, les physiologistes ont mis longtemps pour se mettre d’accord sur ce paramètre n’étant pas associé à un seul processus énergétique. Vanhatalo et al. (2007) ont développé un test permettant d’évaluer sur le terrain ou en laboratoire ce paramètre ainsi que la Pcrit en se dispensant de tests sur plusieurs jours. Dans ce test, le sujet réalise un effort « all-out » sur 3 minutes. Pcrit s’obtient en moyennant la Pméca des 30 dernières secondes (figure 7) et W’ est calculée en intégrant l’aire sous la courbe de Pméca et la ligne horizontale équivalente à la Pméca en fin de test (figure 8).
Ce test fut une première fois réfuté par Karsten (2013). Lors de ses travaux, il démontra qu’en utilisant un ergomètre isocinétique, la mesure de puissance en fin de test était valide mais la mesure de Pcrit ne l’était pas. De plus, les valeurs de Pcrit et W’ obtenus par ce test surestime la performance pour une épreuve contre-la-montre chez des cyclistes de compétitions, qui plus est pour les sujets dont la valeur de Pcrit obtenus est élevée. L’utilisation de ce test pour diriger les entrainements et prescrire des exercices chez des cyclistes pratiquant la compétition doit être fait avec précaution (Nicolò et Sacchetti, 2014). Pour conclure sur les travaux étudiants la validité et la fiabilité de ce test, la dernière étude connue en date est celle de Wright et al. (2015). Ils ont repris les travaux de Karsten en rajoutant le test sur ergomètre en mode linéaire. Les conclusions de ces recherches montrent que ce protocole de test donne uniquement une valeur correcte de Pcrit lorsque le test est réalisé en mode isocinétique.
Nous ne nous attarderons ici pas à détailler les limites du modèle de la Pcrit à travers l’évaluation des processus énergétique et de leur mise en jeu au cours de l’exercice.
Relation intensité – temps en cyclisme
Pour le transfert des études de la relation intensité – temps en cyclisme, de nombreux chercheurs s’y sont intéressés. C’est seulement avec l’apparition des capteurs de puissances mobiles que ces recherches ont eu une utilité réelle en compétitions.
Allen et Coggan (2010) furent les premiers à démocratiser la relation Pméca – temps en cyclisme à travers le concept de « power profiling ». Ils ont établi une classification du niveau des cyclistes selon leur Pméca sur des durées d’effort cible (figure 9, 10) pour évaluer les principales aptitudes d’un cycliste que sont :
- La puissance du système neuromusculaire (5 sec.)
- La capacité anaérobie lactique (1 min)
- La puissance maximale aérobie (PMA) (5 min)
- Le seuil anaérobie (60 min)
On peut émettre comme critique sur cette classification les durées des temps d’effort sélectionnées. Concernant la puissance du système neuromusculaire et la capacité lactique, leur évaluation peut se faire sur des durées plus courtes. Le temps de maintien de la PMA (tPMA) est considéré équivalent pour tout cycliste et égal à 5 minutes. Enfin, l’évaluation du seuil anaérobie ou « Functional threshold power » (FTP) défini comme la Pméca maximale d’un athlète dur 1 heure est calculé comme étant 95% de la Pméca maximale d’un test de 20 minutes. La capacité d’endurance aérobie des cyclistes est donc selon lui équivalente.
De nombreuses études depuis se sont intéressées aux Pméca développés par des cyclistes en compétition pour établir leur profil physiologique. Elles sont pour la plupart critiquable pour la durée de leur suivi souvent trop court pour que les coureurs réalisent leurs records de Pméca sur les qualités permettant de dresser leurs profils physiologiques.
Méthodologie de détermination du PPR
Pinot et Grappe (2011) ont déterminer la méthodologie de détermination du PPR de différentes catégories de cyclistes de haut-niveau. Pour cela, ils ont relevé pour chaque athlète les 13 Pméca records correspondant aux Pméca enregistrées les plus élevées sur des temps de 1, 5, et 30 sec, 1, 5, 10, 20, 30, 45 min, 1, 2, 3, 4h. Ils ont divisé cette relation Pméca – temps en 5 zones (figure 11) :
- Zone 1 : Intensité modérée : Pméca record entre 1 et 4h
- Zone 2 : Intensité soutenue : Pméca record entre 20 et 60 min
- Zone 3 : Partie basse de la zone d’intensité sévère : Pméca record entre 5 et 20 min
- Zone 4 : Partie haute de la zone d’intensité sévère : Pméca record entre 30 sec et 5 min
- Zone 5 : Force – vélocité : Pméca record entre 1 et 30 sec
De ces 5 zones, on peut en déduire le profil de performance d’un coureur ; la zone 1 est supérieure chez les rouleurs et les grimpeurs, les zones 2 et 3 caractérisent les grimpeurs et les rouleurs, la différence entre ces deux se faisant selon leur masse corporelle. La zone 4 est supérieure chez des coureurs types puncheurs et la zone 5 est supérieure chez les sprinteurs.
Le PPR permet donc un étalonnage des intensités de travail avec la Pméca dans l’entrainement à partir des qualités physiques du cycliste définis par ses Pméca records sur les cinq zones d’intensités d’effort citées.
De plus, cet outil qu’est le PPR trouve son utilité dans le suivi à long terme des coureurs. En effet, Pinot et Grappe (2014) ont suivis l’évolution des Pméca records en parallèle de la charge d’entrainement à l’aide de la méthode perceptive de Forster et al. (2001) d’un coureur sur 6 années (figure 12) et ayant fait des top 10 en grands tours (top niveau mondial). Ce suivi c’est réalisé de la catégorie junior au plus haut niveau mondial. Ils tirent comme conclusion d’après la détermination et le suivi du PPR de ce cycliste qu’il est possible d’utiliser la mesure de la Pméca et différents indices perceptifs pour optimiser le processus de suivi de l’entrainement en cyclisme.
Les chercheurs remarquent une corrélation entre l’évolution des charges d’entrainements et la progression des Pméca records au sein des différentes zones d’intensités.
Le PPR est donc un concept pertinent pour mettre en valeur les capacités physiques des cyclistes et suivre leur évolution sur le long terme.
A partir du PPR, ces mêmes auteurs ont mis en place une méthode d’évaluation de la PMA et de l’endurance aérobie que l’on détaillera dans les applications pratiques.
De par les obligations de contenus de cet appondissent thématique, nous ne traiterons pas l’influence du terrain, de la position ou encore de la situation du cycliste lors de la réalisation de Pméca records à travers une synthèse de recherche.
Applications pratiques
Dans un premier temps, il est important de mettre en place avec le cycliste une routine pour qu’il enregistre chacune de ces sorties à l’aide d’une unité de bord enregistrant ses Pméca avec une fréquence de 1 Hz ; la fiabilité de son capteur de puissance est très importante. A savoir, utiliser de préférence ceux valider par la littérature scientifique. Par la suite, il faudra que l’entraineur puisse recueillir ses données afin de dresser un PPR au cours du temps.
Lors de la mise en place de ce PPR, si on veut tendre vers l’optimisation de la performance au maximum, il faudra dresser différents profils que seront les Pméca records réalisées en montée / plat et en compétition / entrainement. Chacun de ces paramètres influençant la Pméca produite par le cycliste. En effet, la biomécanique du pédalage n’est pas similaire en montée et sur le plat de par les résistances à l’avancement qui diffèrent. De plus, la compétition et l’entrainement n’amène pas au même engagement psychologique de l’athlète ce qui influencera ses productions de Pméca.
Construction du PPR
Après avoir tenu compte de ces paramètres, on pourra construire un PPR pour chaque cycliste. 2 méthodes sont possibles : l’utilisation d’un logiciel qui recueillera les données de chaque sortie et les analysera ou bien le relevé des puissances cibles citées sur l’étude de Pinot et Grappe (2011) que l’on rentrera dans un logiciel de classeur (figure 13, 14).
On peut bien évidemment les décomposés selon les modes de réalisation cités précédemment de ces Pméca.
Après un certain temps et des Pméca records reflétant le potentiel physique du cycliste sur un large échantillon de durée d’exercices, on pourra enfin utiliser cet outil pour le monitoring de l’entrainement du cycliste.
Détermination et exploitation de la PMA
A partir du PPR, on peut déterminer la PMA, le tPMA et l’endurance aérobie individuellement pour chaque cycliste et ce à partir des performances maximales de terrain qui ne seront pas protocole-dépendant comme on peut le voir lors de tests réalisés en laboratoire.
Pour déterminer la PMA à partir du PPR, Pinot et Grappe (2014) ont donné la méthodologie suivante (figure 15) :
- Faire la régression linéaire entre les Pméca records et le logarithme du temps (logt) entre 10 min et 4h,
- Délimiter un intervalle de confiance encadrant la régression linéaire Pméca records – logt avec les régressions linéaires équivalentes à ± 2 écarts-types résiduels.
- Cette dernière est extrapolée autour des Pméca records comprises entre 3 et 10 min pour déterminer le point d’inflexion correspondant à la PMA. La PMA étant définie par la première Pméca record située à l’intérieur de l’intervalle de confiance et tPMA avec la durée correspondante à cette dernière.
Après détermination de la PMA, on peut déterminer l’index d’endurance selon le modèle de Peronnet et Thibault en traçant la régression linéaire entre les Pméca convertit en pourcentage de la PMA (%PMA) entre tPMA et 4h en fonction de logt. La pente de cette relation correspond à l’index d’endurance du cycliste (figure 16).
Grace à ces valeurs personnalisées obtenus pour chaque cycliste, on pourra donner des contenus d’entrainement qualitatif et travailler les besoins du sportif.
Détermination de la Pcrit et de W’ à partir du PPR
A partir des valeurs de Pméca relevée sur le PPR, on peut extrapoler la Pcrit d’un cycliste en traçant la régression linéaire de la relation du travail fourni en Joule (J) en fonction temps d’exercice en secondes. La pente de cette relation défini la valeur de Pcrit. Le temps maximal de soutien de cette Pméca dans le PPR sera alors de temps de soutien de la puissance critique (tPcrit). Cette valeur est primordiale dans l’évaluation du potentiel physique du cycliste et dans le monitoring de sa progression. Une fois Pcrit obtenu, on peut déterminer W’. Pour cela, il faut trouver la plus grande différence de travail entre Pméca et Pcrit. Cette valeur sera le W’ exprimé en Joules. A partir de ces deux données caractérisant le profil physiologique d’un cycliste additionnée au PPR, on va pouvoir mettre en place les séances d’entrainement du cycliste. Pour cela, on pourra se servir soit de la PMA déterminée par le PPR ainsi que de tPMA ou encore de la Pcrit pour construire les zones d’intensités de travail qui seront généralement découpées en 7 en cyclisme ; la plus répandu de nos jours étant l’échelle d’estimation subjective de l’intensité de l’exercice (échelle d’ESIE, Grappe et al. 1999) (figure 17).
Avec la valeur de W’ et la Pcrit, un nouvel outil en vogue dans l’entrainement en cyclisme s’avère utile dans l’analyse des séances et mêmes le calibrage. Il s’agit du W’bal reflétant le niveau de la « batterie » d’un cycliste. Avec le W’bal, l’entraineur pourra analyser la séance d’un athlète au-delà de la simple charge d’entrainement et de son analyse. En effet, on peut voir le niveau de réserve du cycliste sur un entrainement et le bon calibrage de la séance surtout des exercices d’intensités et de l’intensité et la durée du contre-exercice (figure 18). Certaines plateformes en ligne permettent la création de séances avec les valeurs de Pméca maximale, Pcrit et W’ (figure 19). Grace à ces nouveaux outils, l’analyse et la planification de l’entrainement se veut toujours plus qualitatif. Les compétitions peuvent également être analysées pour détecter les erreurs qui aurait pu être fait dans la réalisation d’efforts superflus.
Notions de Training Stress Score (TSS) et de Training Stress Balance (TSB)
Le Dr. Andrew Coggan a mis en place les concepts de training stress score (TSS) et de training stress balance (TSB). Le TSS est aujourd’hui couramment utilisé pour quantifier la charge d’entrainement par bon nombre de sportifs d’endurance. Il se calcule avec la formule suivante :
- TSS = (durée (s) x NP x IF) / (FTP x 3600) x 100
NP est la puissance normalisée, IF est le facteur d’intensité donnée par la relation NP/FTP
On obtient donc un score d’une séance d’entrainement où sur une compétition étant une méthode du calcul de la charge d’entrainement.
Ce chercheur a ensuite intégré le modèle de TSB sur une adaptation du modèle de Banister qui consiste à modéliser la forme du cycliste en fonction de la charge à court terme : « Acute Training Load » (ATL), et de la charge à long terme : « Chronic Training Load » (CTL). Je ne détaillerai pas les formules permettant de calculer ces valeurs, simplement, ATL se base sur le TSS des 7 derniers jours et CTL sur le TSS des 42 derniers jours. Ces valeurs sont celles de bases et ajustable en fonction de la spécificité de l’athlète. Cependant, ces valeurs sont difficiles à individualisée rationnellement. Le TSB est alors la différence chaque jour entre CTL et ATL, cela permet de prédire les performances et de mieux programmer la planification d’un objectif et les pics de formes de l’athlète (figure 20).
D’autres modèles ont été développés sur ce concept notamment par Skiba ou Daniels mais n’étant pas validé scientifiquement comme fiable, nous resterons sur les travaux menés par A. Coggan.
Conclusion
Depuis la démocratisation des capteurs de puissances mobiles, leur utilisation devient indispensable lorsqu’on cherche à optimiser la performance en cyclisme toutes disciplines confondues. Leur utilisation notamment en compétitions ont permis aux chercheurs de mieux comprendre les demandes physiologiques du haut-niveau et par conséquent de construire des modèles de performances. L’utilisation du PPR parait donc indispensable pour quantifier et monitorer l’évolution de chaque athlète. Cependant, il faut prendre cet outil avec précaution et le maitriser est indispensable sans quoi il s’avère inutile. Une recommandation est faite avec l’utilisation chez les jeunes qui préconise son utilisation à partir des catégories juniors soit après la puberté. Cela pour rester sur la notion de plaisir et un entrainement ludique sans instaurer des séances trop strictes où le plaisir peut passer au second plan.
A l’aide des méthodes d’analyse du PPR présentées, l’entraineur aura donc le choix pour calibrer les intensités de chaque athlète selon différentes méthodes. Ces méthodes pouvant être choisis en fonction des caractéristiques de chaque sportif.
Le PPR est donc l’outil développant le domaine de l’entrainement dans la personnalisation des contenus.
Avec l’évolution du PPR au cours du temps pour chaque athlète, on peut donc ajuster instantanément l’entrainement et suivre la progression au quotidien et sur le plus long terme du cycliste dans toutes les qualités qui ont été définies comme fondatrice de la performance dans sa pratique compétitive. L’ajustement des contenus d’entrainement se fera alors selon les axes de progressions visés et l’évolution des points forts et faibles de chaque cycliste et des caractéristiques requises pour performer sur ses objectifs compétitifs.
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