Mécanismes intramusculaires du surentraînement (OTS)
1. Introduction
L’exercise est certainement le plus puissant stimulus qui déclenche les adaptations des muscles skeletiques pendant un entraînement chronique en endurance où en musculation. Ces adaptations vont de l’augmentation de l’endurance entraînée entre autre par la biogénèse mitochrondriale et l’angiongénèse à l’augmentation de la force.
Tandis que l’exercise est nécessaire pour déclencher et stimuler des adaptations musculaires, la période de récupération post-exercise est tout aussi critique pour fournir une durée suffisante permettant l’apparition d’adaptations structurelle et métabolique dans les muscles squelettiques.
Ces périodes cycliques entre la fatigue et la récupération constituent la base de toute prescription d’entraînement efficace pour améliorer l’endurance et la force musculaire.
Le déséquilibre entre la fatigue induite par un entraînement / une compétition intensite, et une inadequate période de récupération post-entraînement / compétition peut mener à une réduction des performances physiques.
Dans les faits, des périodes prolongées de déséquilibre entre la fatigue et la récupération peuvent finalement conduire à des périodes prolongées d’altération des performances, appelées état de « surménage » (fonctionnel ou non) qui peut évoluer vers le syndrome de surentraînement (OTS).
L’OTS se définit par une « sous-performance » persistante malgré une période de récupération supérieure à 2 mois, associé à des changements d’humeur et à l’absence de symptômes/diagnostic d’autres causes possibles de sous-performance.
L’OTS a été attribué à des mécanismes centraux (psychologiques, neurologiques) et périphériques (intramusculaires).
Dans cet article, nous allons détailler (selon la revue de Cheng et al.) les mécanismes qui entraînent une altération de la fonction contractile des muscles squelettiques à la suite d’un exercise physique intensif et d’élucider comment ces mécanismes peuvent conduire à l’OTS (Fig. 1).
2. La dépression prolongée de force à basse fréquence, un puissant contributeur à l’OTS
Dans les études où la fonction musculaire a été étudiée, la « faiblesse » musculaire était un symptôme déterminant du surentraînement chez les athlètes de haut niveau.
La force musculaire produite pendant une séance d’exercice, qui nous permet par exemple de courir, de sauter et de respirer, est principalement constituée de contractions musculaires effectuées à des intensités sous-maximales. La dépression prolongée de la force à basse fréquence (PLFFD) est définie comme une réduction persistante de la force sous-maximale induite par l’exercice, qui peut durer plusieurs jours ou semaines pendant la période de récupération post-exercice.
Cela signifie que le PLFFD sous-tend la sensation durable de « faiblesse » musculaire pendant la période de récupération post-exercice. Ainsi, une des conséquences du PLFFD est que la force sous-maximale exigera un effort perçu plus important pour effectuer une tâche d’exercice donnée.
Cet effort volontaire plus important requis pour compenser la dépression de force sous-maximale associée au PLFFD peut également accélérer la fatigabilité musculaire en exigeant un recrutement accru de fibres musculaires et des taux de décharge unités motrices plus élevés pour maintenir un niveau de force donnée.
Il est intéressant de noter que les hypothèses dominantes concernant les causes intramusculaires sous-jacentes des OTS (Fig. 1) sont également proposées comme causes de PLFFD, c’est-à-dire l’épuisement du glycogène, les dommages ultrastructuraux, l’inflammation et le stress oxydatif, qui seront examinés plus en détail ci-dessous.
3. Causes intramusculaires sous-jacentes des OTS
L’hypothèse du glycogène
Le couplage excitation-contraction (E-C) et la « machine » produisant la force (cycle des ponts transversaux entre l’actine et la myosine) sont deux processus au sein du muscle squelettique qui demandent de l’énergie Tout deux sont renforcées par l’exercice physique. Par exemple, le pompage du calcium par le rétuculum sarcoplasmique CA2+ -ATPase (SERCA) est prétendument responsable de ~50-80% du coût énergétique total dans le muscle squelettique. De plus, une molécule d’ATP est requise pour chaque tête de myosine qui va interragir avec l’actine pour générer de la force dans le cycle des ponts transversaux .
L’hypothèse du glycogène de l’état d’OTS propose que la déplétion en glycogène des muscles induite par l’exercice est liée à une diminution des performances. Par exemple, la récupération de la force sous-maximale est absente dans les muscles non pourvus de glucose, c’est-à-dire dans les muscles qui ne sont pas capables de resynthétiser le glycogène.
Ainsi, un faible taux de glycogène intramusculaire semble contribuer à la PLFFD et à l’OTS, mais la teneur en glycogène musculaire ne peut pas, à elle seule, expliquer le mécanisme sous-jacent à la PLFFD et/ou à l’OTS.
Lésions musculaires induites par l’exercice et OTS
Les lésions musculaire induites par l’exercice sont un état caractérisé, par exemple, par une diminution de la force musculaire, un gonflement, des douleurs musculaires d’apparition tardive (i.e. courbatures), la perturbation myofibrillaire ultrastructurale, l’efflux systémique d’enzymes et de protéines myocellulaires (ex : la créatine kinase), ou une combinaison de ces éléments.
Il est bien connu que les lésions musculaires sont prononcées après des contractions excentriques répétées (c’est-à-dire un allongement des fibres musculaires). En outre, il semble y avoir un lien temporel entre l’ampleur de la perte de force musculaire après l’exercice et le temps nécessaire pour rétablir la force musculaire à la normale. C’est-à-dire que plus la force musculaire diminue après l’exercice, plus il faut de temps pour récupérer. Mais si le prochain exercice a lieu avant le rétablissement complet, il pourrait contribuer à la spirale négative des performances qui peut conduire à un surménage et à long terme à un OTS.
Les dommages mécaniques indirectement responsables de la perte de force induite par l’exercice
Dans l’ensemble, les données accumulées par la science suggèrent que les changements ultrastructuraux sont des signes de dommages et/ou de remodelage, mais ne sont pas directement responsables de la diminution de force musculaire. Au contraire, les modifications intramusculaires ciblant le couplage E-C et/ou les ponts transversaux semblent responsables de cete diminution de force. Plus précisément, l’inflammation induite par l’exercice et le stress oxydatif ciblant les protéines impliquées dans la contraction musculaire et la production de force sont des candidats majeurs potentiellement responsables des diminutions de force et de performance dans les OTS.
Inflammation induite par l’exercice et production de cytokines
Un exercice physique intense et répété peut induire une modification moléculaire intramusculaire de cytokines, qui a des points communs avec les états pathologiques d’inflammation chronique (par exemple la polyarthrite rhumatoïde) qui s’accompagne d’une faiblesse musculaire. Par conséquent, une activité physique intense et répétée avec des périodes de récupération trop courtes prolonge la durée de l’inflammation. Ceci aura pour effet d’entraîner très certainement une diminution de la fonction musculaire et pourrait bien être un élément clé du OTS.
Néanmoins, comment les cytokines peuvent-elles entraîner une diminution des performances des muscles squelettiques, c’est-à-dire une diminution de la production de force ? Les cytokines sont connues pour augmenter la production des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) et, à leur tour, les ROS peuvent favoriser la libération de cytokines pro-inflammatoires.
Stress oxydatif et diminution de la fonction musculaire dans l’OTS
Les athlètes atteints d’OTS présentent un stress oxydatif induit par l’exercice, qui serait dû à un déséquilibre de l’état redox intramusculaire qui déclenche une signalisation inflammatoire, entraînant une diminution de la production de force et de la performance à l’exercice.
L’augmentation des ROS induite par l’exercice a été associée à la fatigue musculaire et à une mauvaise récupération post-exercice. La production de ROS augmente dans le muscle squelettique pendant l’exercise physique et l’amélioration du stress oxidatif qui en résulte avec des antioxydants réduit la diminution de force.
Un muscle non fatigué est généralement dans un état réduit et, lors de l’exposition à une légère oxydation, les ROS augmentent la force contractile jusqu’à un état considéré comme l’équilibre « redox optimal ». Cependant, l’exposition continue des fibre musculaire aux ROS provoque une diminution de la force due à une oxydation excessive, qui peut représenter l’état de fatigue sévère et de OTS (Fig. 2).
Il est connu que les ROS sont produit en majorité pendant des exercices de haute intensité exigeant sur le plan métabolique. Cependant, il a été récemment démontré que le traitement des muscles avec de puissants antioxydants qui inhibent la production de ROS à partir des principaux sites cellulaires (ex : mitochondries, NADPH oxydase 2) pendant une séance d’exercise de haute intensité n’a pas atténué la baisse de la force contractile induite par la fatigue. Une explication plausible pour laquelle aucun effet n’a été observé avec les antioxydants en conjonction avec un session d’exercice diminuant la force contractile induite par la fatigue est que les ROS produits pendant les contractions étaient transitoires. Ce qui fait passer à un « équilibre redox optimal », bénéfique pour la génération de force. L’application directe d’antioxydants n’a pas pu réduire l’état redox des fibres musculaires et donc aucune altération de la performance musculaire n’a été observée (Fig. 2).
Dans les muscles squelettiques, les ROS semblent favoriser la PLFFD en réduisant la libération de Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique.
Un autre mécanisme intramusculaire par lequel le stress oxydatif interfère avec le cycle de pont tranversal et la production de force est par des modifications post-traductionnelles oxidatives sur l’actine (Fig. 1) causant une altération de la polymérisation de l’actine, une réduction de la production de force myofibrillaire et une faiblesse musculaire.
Les mêmes mécanismes physiologiques qui altèrent la capacité d’exercice pendant l’exercice chronique sont probablement bénéfiques pendant l’exercice aigu, mais avec un exercice exhaustif répété sans période de récupération, cela peut contribuer à l’OTS (Fig. 1).
4. Conclusion
L’OTS a d’importantes répercussions sur les performances à l’entraînement et en compétition et peut donc avoir des effets dévastateurs sur la carrière d’un athlète. L’OTS est causée par un déséquilibre chronique entre la fatigue induite par l’exercice et la présence d’un repos suffisant après l’exercice.
Nous avons montré ici que le muscle squelettique est un contributeur important à l’OTS. La dépression prolongée de la force à basse fréquence (PLFFD), développée à la suite d’un exercice intensif, étant une cause de la faiblesse des muscles squelettiques dans la OTS. L’exercice physique entraîne une augmentation des cytokines pro-inflammatoires, qui à leur tour peuvent augmenter le stress oxydatif musculaire, ce qui crée un cercle vicieux pour à nouveau augmenter l’inflammation.
Outre un repos suffisant, il n’existe pas de traitement pharmacologique efficace pour lutter contre les OTS et accélérer la guérison. Cependant, les antioxydants et les composés anti-inflammatoires peuvent s’avérer prometteurs pour neutraliser le stress oxydatif élevé et l’inflammation chronique dans les muscles des athlètes atteints de OTS, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour déterminer l’efficacité de ces stratégies pharmacologiques pour traiter les OTS.
Source : Arthur J. Cheng, Baptiste Jude and Johanna T. Lanner, Redox Biology, https://doi.org/10.1016/j.redox.2020.101480